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L'esprit Hulot 2018
18 septembre 2018

LA QUESTION DE L’EAU et LA PERTE DE BIODIVERSITÉ

suite de « SUR LA SAUVEGARDE DE LA MAISON COMMUNE »

PREMIER CHAPITRE

suite :

II. LA QUESTION DE L’EAU

D’autres indicateurs de la situation actuelle concernent l’épuisement des ressources naturelles.

Nous sommes bien conscients de l’impossibilité de maintenir le niveau actuel de consommation des pays les plus développés et des secteurs les plus riches des sociétés, où l’habitude de dépenser et de jeter atteint des niveaux inédits.

Déjà les limites maximales d’exploitation de la planète ont été dépassées, sans que nous ayons résolu le problème de la pauvreté.

L’eau potable et pure représente une question de première importance, parce qu’elle est indispensable pour la vie humaine comme pour soutenir les écosystèmes terrestres et aquatiques.

Les sources d’eau douce approvisionnent des secteurs sanitaires, agricoles et de la pêche ainsi qu’industriels.

La provision d’eau est restée relativement constante pendant longtemps, mais en beaucoup d’endroits la demande dépasse l’offre durable, avec de graves conséquences à court et à long terme.

De grandes villes qui ont besoin d’une importante quantité d’eau en réserve, souffrent de périodes de diminution de cette ressource, qui n’est pas toujours gérée de façon équitable et impartiale aux moments critiques.

Le manque d’eau courante s’enregistre spécialement en Afrique, où de grands secteurs de la population n’ont pas accès à une eau potable sûre, ou bien souffrent de sécheresses qui rendent difficile la production d’aliments.

Dans certains pays, il y a des régions qui disposent de l’eau en abondance et en même temps d’autres qui souffrent de grave pénurie.

29.

Un problème particulièrement sérieux est celui de la qualité de l’eau disponible pour les pauvres, ce qui provoque beaucoup de morts tous les jours.

Les maladies liées à l’eau sont fréquentes chez les pauvres, y compris les maladies causées par les micro-organismes et par des substances chimiques.

La diarrhée et le choléra, qui sont liés aux services hygiéniques et à l’approvisionnement en eau impropre à la consommation, sont un facteur significatif de souffrance et de mortalité infantile.

Les eaux souterraines en beaucoup d’endroits sont menacées par la pollution que provoquent certaines activités extractives, agricoles et industrielles, surtout dans les pays où il n’y a pas de régulation ni de contrôles suffisants.

Ne pensons pas seulement aux décharges des usines.

Les détergents et les produits chimiques qu’utilise la population dans beaucoup d’endroits du monde continuent de se déverser dans des rivières, dans des lacs et dans des mers.

30.

Tandis que la qualité de l’eau disponible se détériore constamment, il y a une tendance croissante, à certains endroits, à privatiser cette ressource limitée, transformée en marchandise sujette aux lois du marché.

En réalité, l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial, fondamental et universel, parce qu’il détermine la survie des personnes, et par conséquent il est une condition pour l’exercice des autres droits humains.

Ce monde a une grave dette sociale envers les pauvres qui n’ont pas accès à l’eau potable, parce que c’est leur nier le droit à la vie, enraciné dans leur dignité inaliénable.

Cette dette se règle en partie par des apports économiques conséquents pour fournir l’eau potable et l’hygiène aux plus pauvres.

Mais on observe le gaspillage d’eau, non seulement dans les pays développés, mais aussi dans les pays les moins développés qui possèdent de grandes réserves.

Cela montre que le problème de l’eau est en partie une question éducative et culturelle, parce que la conscience de la gravité de ces conduites, dans un contexte de grande injustice, manque.

31.

Une grande pénurie d’eau provoquera l’augmentation du coût des aliments comme celle du coût de différents produits qui dépendent de son utilisation.

Certaines études ont alerté sur la possibilité de souffrir d’une pénurie aiguë d’eau dans quelques décennies, si on n’agit pas en urgence.

Les impacts sur l’environnement pourraient affecter des milliers de millions de personnes, et il est prévisible que le contrôle de l’eau par de grandes entreprises mondiales deviendra l’une des principales sources de conflits de ce siècle. [Cf. Salut au personnel de la FAO (20 novembre 2014) : AAS 106 (2014), 985.]

III. LA PERTE DE BIODIVERSITÉ

32.

Les ressources de la terre sont aussi objet de déprédation à cause de la conception de l’économie ainsi que de l’activité commerciale et productive fondées sur l’immédiateté.

La disparition de forêts et d’autres végétations implique en même temps la disparition d’espèces qui pourraient être à l’avenir des ressources extrêmement importantes, non seulement pour l’alimentation, mais aussi pour la guérison de maladies et pour de multiples services.

Les diverses espèces contiennent des gènes qui peuvent être des ressources-clefs pour subvenir, à l’avenir, à certaines nécessités humaines ou pour réguler certains problèmes de l’environnement.

33.

Mais il ne suffit pas de penser aux différentes espèces seulement comme à d’éventuelles “ressources” exploitables, en oubliant qu’elles ont une valeur en elles-mêmes.

Chaque année, disparaissent des milliers d’espèces végétales et animales que nous ne pourrons plus connaître, que nos enfants ne pourront pas voir, perdues pour toujours.

L’immense majorité disparaît pour des raisons qui tiennent à une action humaine. …

34.

Probablement, cela nous inquiète d’avoir connaissance de l’extinction d’un mammifère ou d’un oiseau, à cause de leur visibilité plus grande.

Mais, pour le bon fonctionnement des écosystèmes, les champignons, les algues, les vers, les insectes, les reptiles et l’innombrable variété de micro-organismes sont aussi nécessaires.

Certaines espèces peu nombreuses, qui sont d’habitude imperceptibles, jouent un rôle fondamental pour établir l’équilibre d’un lieu.

Certes, l’être humain doit intervenir quand un géo-système entre dans un état critique ; mais aujourd’hui le niveau d’intervention humaine, dans une réalité si complexe comme la nature, est tel que les constants désastres provoqués par l’être humain appellent une nouvelle intervention de sa part, si bien que l’activité humaine devient omniprésente, avec tous les risques que cela implique.

Il se crée en général un cercle vicieux où l’intervention de l’être humain pour résoudre une difficulté, bien des fois, aggrave encore plus la situation.

Par exemple, beaucoup d’oiseaux et d’insectes qui disparaissent à cause des agro-toxiques créés par la technologie, sont utiles à cette même agriculture et leur disparition devra être substituée par une autre intervention technologique qui produira probablement d’autres effets nocifs.

Les efforts des scientifiques et des techniciens, qui essaient d’apporter des solutions aux problèmes créés par l’être humain, sont louables et parfois admirables.

Mais en regardant le monde, nous remarquons que ce niveau d’intervention humaine, fréquemment au service des finances et du consumérisme, fait que la terre où nous vivons devient en réalité moins riche et moins belle, toujours plus limitée et plus grise, tandis qu’en même temps le développement de la technologie et des offres de consommation continue de progresser sans limite.

Il semble ainsi que nous prétendions substituer à une beauté, irremplaçable et irrécupérable, une autre créée par nous.

35.

Quand on analyse l’impact environnemental d’une entreprise, on en considère ordinairement les effets sur le sol, sur l’eau et sur l’air, mais on n’inclut pas toujours une étude soignée de son impact sur la biodiversité, comme si la disparition de certaines espèces ou de groupes d’animaux ou de végétaux était quelque chose de peu d’importance.

Les routes, les nouvelles cultures, les grillages, les barrages et d’autres constructions prennent progressivement possession des habitats, et parfois les fragmentent de telle manière que les populations d’animaux ne peuvent plus migrer ni se déplacer librement, si bien que certaines espèces sont menacées d’extinction.

Il existe des alternatives qui peuvent au moins atténuer l’impact de ces ouvrages, comme la création de corridors biologiques, mais on observe cette attention et cette prévention en peu de pays.

Quand on exploite commercialement certaines espèces, on n’étudie pas toujours leur forme de croissance pour éviter leur diminution excessive, avec le déséquilibre de l’écosystème qui en résulterait.

36.

La sauvegarde des écosystèmes suppose un regard qui aille au-delà de l’immédiat, car lorsqu’on cherche seulement un rendement économique rapide et facile, leur préservation n’intéresse réellement personne.

Mais le coût des dommages occasionnés par la négligence égoïste est beaucoup plus élevé que le bénéfice économique qui peut en être obtenu.

Dans le cas de la disparition ou de graves dommages à certaines espèces, nous parlons de valeurs qui excèdent tout calcul.

C’est pourquoi nous pouvons être des témoins muets de bien graves injustices, quand certains prétendent obtenir d’importants bénéfices en faisant payer au reste de l’humanité, présente et future, les coûts très élevés de la dégradation de l’environnement.

37.

Quelques pays ont progressé dans la préservation efficace de certains lieux et de certaines zones – sur terre et dans les océans – où l’on interdit toute intervention humaine qui pourrait en modifier la physionomie ou en altérer la constitution originelle.

Dans la préservation de la biodiversité, les spécialistes insistent sur la nécessité d’accorder une attention spéciale aux zones les plus riches en variétés d’espèces, aux espèces endémiques rares ou ayant un faible degré de protection effective.

Certains endroits requièrent une protection particulière à cause de leur énorme importance pour l’écosystème mondial, ou parce qu’ils constituent d’importantes réserves d’eau et assurent ainsi d’autres formes de vie.

38.

Mentionnons, par exemple, ces poumons de la planète pleins de biodiversité que sont l’Amazonie et le bassin du fleuve Congo, ou bien les grandes surfaces aquifères et les glaciers.

On n’ignore pas l’importance de ces lieux pour toute la planète et pour l’avenir de l’humanité.

Les écosystèmes des forêts tropicales ont une biodiversité d’une énorme complexité, presqu’impossible à répertorier intégralement, mais quand ces forêts sont brûlées ou rasées pour développer des cultures, d’innombrables espèces disparaissent en peu d’années, quand elles ne se transforment pas en déserts arides.

Cependant, un équilibre délicat s’impose, quand on parle de ces endroits, parce qu’on ne peut pas non plus ignorer les énormes intérêts économiques internationaux qui, sous prétexte de les sauvegarder, peuvent porter atteinte aux souverainetés nationales.

De fait, il existe « des propositions d’internationalisation de l’Amazonie, qui servent uniquement des intérêts économiques des corporations transnationales ».[ Vème Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes, Document d’Aparecida (29 juin 2007), n. 86.24]

Elle est louable la tâche des organismes internationaux et des organisations de la société civile qui sensibilisent les populations et coopèrent de façon critique, en utilisant aussi des mécanismes de pression légitimes, pour que chaque gouvernement accomplisse son propre et intransférable devoir de préserver l’environnement ainsi que les ressources naturelles de son pays, sans se vendre à des intérêts illégitimes locaux ou internationaux.

39.

Le remplacement de la flore sauvage par des aires reboisées, qui généralement sont des mono-cultures, ne fait pas ordinairement l’objet d’une analyse adéquate.

En effet, ce remplacement peut affecter gravement une biodiversité qui n’est pas hébergée par les nouvelles espèces qu’on implante.

Les zones humides, qui sont transformées en terrain de culture, perdent aussi l’énorme biodiversité qu’elles accueillaient.

Dans certaines zones côtières, la disparition des écosystèmes constitués par les mangroves est préoccupante.

40.

Les océans non seulement constituent la majeure partie de l’eau de la planète, mais aussi la majeure partie de la grande variété des êtres vivants, dont beaucoup nous sont encore inconnus et sont menacés par diverses causes.

D’autre part, la vie dans les fleuves, les lacs, les mers et les océans, qui alimente une grande partie de la population mondiale, se voit affectée par l’extraction désordonnée des ressources de pêche, provoquant des diminutions drastiques de certaines espèces.

Des formes sélectives de pêche, qui gaspillent une grande partie des espèces capturées, continuent encore de se développer.

Les organismes marins que nous ne prenons pas en considération sont spécialement menacés, comme certaines formes de plancton qui constituent une composante très importante dans la chaîne alimentaire marine, et dont dépendent, en définitive, les espèces servant à notre subsistance.

41.

En pénétrant dans les mers tropicales et subtropicales, nous trouvons les barrières de corail, qui équivalent aux grandes forêts de la terre, parce qu’elles hébergent approximativement un million d’espèces, incluant des poissons, des crabes, des mollusques, des éponges, des algues, et autres.

Déjà, beaucoup de barrières de corail dans le monde sont aujourd’hui stériles ou déclinent continuellement : « Qui a transformé le merveilleux monde marin en cimetières sous-marins dépourvus de vie et de couleurs ? ».[ Conférence des évêques catholiques des Philippines, Lettre pastorale What is Happening to our Beautiful Land? ] 

Ce phénomène est dû en grande partie à la pollution qui atteint la mer, résultat de la déforestation, des monocultures agricoles, des déchets industriels et des méthodes destructives de pêche, spécialement celles qui utilisent le cyanure et la dynamite.

Il s’aggrave à cause de l’élévation de la température des océans. Tout cela nous aide à réaliser comment n’importe quelle action sur la nature peut avoir des conséquences que nous ne soupçonnons pas à première vue, et que certaines formes d’exploitation de ressources se font au prix d’une dégradation qui finalement atteint même le fond des océans.

42.

Il est nécessaire d’investir beaucoup plus dans la recherche pour mieux comprendre le comportement des écosystèmes et analyser adéquatement les divers paramètres de l’impact de toute modification importante de l’environnement.

En effet, toutes les créatures sont liées, chacune doit être valorisée avec affection et admiration, et tous en tant qu’êtres, nous avons besoin les uns des autres.

Chaque territoire a une responsabilité dans la sauvegarde de cette famille et devrait donc faire un inventaire détaillé des espèces qu’il héberge, afin de développer des programmes et des stratégies de protection, en préservant avec un soin particulier les espèces en voie d’extinction.

Voir suite DÉTÉRIORATION DE LA QUALITÉ DE LA VIE HUMAINE ET DÉGRADATION SOCIALE

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